Histoire de la République des États-Unis, Tome I

Pourquoi un théologien protestant, né en 1822 à Nérac, s'est-il intéressé à l'histoire des États-Unis, au point d'écrire deux gros volumes, parus alors que s'achevait tout juste la guerre de sécession ? D'abord Jean-Frédéric Astié, bien que très apprécié dans son enseignement à la faculté de Lausanne, était une sorte d'électron libre dans le monde des pasteurs réformés. On l'avait surnommé le Cyrano de la théologie, à cause de son tempérament bretteur de gascon, qui n'épargnait personne, tant libéraux que scolastiques, dans ses pamphlets publiés sous divers pseudonymes. Enfant du réveil, grand admirateur de Vinet, il était parti jeune à New-York exercer le pastorat dans une église française, et observer de près les fruits de ce principe nouveau (pour l'époque), d'une séparation totale entre l'Église et l'État. Ensuite il n'était pas le seul à éprouver une sorte de fascination enthousiaste devant la naissance de cette démocratie américaine si différente, mêlée au pressentiment que son avènement prochain se conjuguerait avec le déclin de l'Europe. Tocqueville écrivait déjà : «Le livre entier qu'on va lire a été écrit sous l'impression d'une sorte de terreur religieuse produite dans l'âme de l'auteur par la vue de cette révolution irrésistible qui marche depuis tant de siècles à travers tous les obstacles, et qu'on voit encore aujourd'hui s'avancer au milieu des ruines qu'elle a faites.» Le récit de J.-F. Astié s'étend de l'année 1620, départ du Mayflower pour le Massachusetts, à l'année 1860, élection de Lincoln à la présidence. Outre l'impression de proximité des événements qu'il laisse, ayant été écrit alors que la république américaine était encore dans son enfance, son intérêt pour le lecteur évangélique d'aujourd'hui réside évidemment dans les réflexions de l'auteur sur l'aspect spirituel de cette portion de l'Histoire : notamment dans son exposition de l'échec d'une utopie théocratique des premiers puritains, calquée sur la Genève de Calvin, pour laisser place aux principes baptistes de Roger Williams, fondateur de Providence, dans le Rhode Island.