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Six Heures à perdre, Roman

Six Heures à perdre, Roman

ByRobert Brasillach

Usually printed in 3 - 5 business days
Le train de Compiègne entrait doucement en gare, mais je savais que personne ne m’attendait. Mes compagnons étaient tous debout, chargés de leurs colis informes, chacun d’eux isolé déjà dans son ancien vêtement, son ancienne âme, qu’ils apercevaient sans doute sous les verrières. Ils avaient échangé les adresses et les au revoir, mais eux-mêmes, ils n’étaient plus là. Ils étaient, avant d’avoir sauté du wagon, dans cette foule compacte que j’apercevais par-dessus leurs épaules, mal endiguée par les barrières. Je les connaissais d’ailleurs assez mal, séparé à Compiègne des camarades de camp, et Paris n’était pour moi qu’une étape. Je n’avais voulu demander à personne de venir au-devant de moi, et maintenant je le regrettais. Il est toujours triste d’arriver seul dans une gare où l’on n’est pas attendu, et moi, qui vivais sur les souvenirs d’une avant-guerre abondante, j’avais découvert avec désagrément dans un indicateur que je n’aurais pas de train pour repartir avant la fin de midi. Il me faudrait passer à Paris six heures. Six heures à perdre entre deux gares, qui paraissaient, maintenant que j’étais si près du but, plus lourdes à mon impatience que mes quarante mois de captivité. Mes camarades sautaient à terre, je les suivis. Je n’avais sur le dos qu’un vieux sac de montagne, souvenir d’anciennes étapes de camping, où j’avais rassemblé, à la veille de la retraite, tout ce qui me serait nécessaire pendant ces quarante mois que je ne prévoyais point. Je tenais le surplus dans une petite boîte carrée de carton et l’ancienne musette de mon masque à gaz réglementaire. D’autres étaient encore encombrés de valises et de sacs, mais j’avais laissé au camp les livres que j’avais reçus pendant ma captivité. J’aime aborder la vie sans bagages, et c’était la vie que j’abordais une fois de plus, passée, cette fois, la trentaine, comme je l’avais abordée déjà plusieurs fois, voici douze ou treize ans, par exemple, quand j’avais quitté Paris pour l’Afrique, ou quand j’étais parti pour la guerre. Cette Afrique, où j’avais laissé le meilleur de moi-même, il n’était pas question d’y revenir, maintenant que, dans mon exil, je l’avais vue s’éloigner de moi comme un énorme navire en perdition, en ces journées de l’an dernier, d’un novembre si cruellement lumineux et doux. Mais si j’aime mon passé, je sais aussi attendre avec une curiosité immense les promesses de l’avenir, et j’ai assez confiance en lui pour l’écouter au milieu du pire malheur...

Details

Publication Date
Oct 10, 2021
Language
French
Category
Fiction
Copyright
No Known Copyright (Public Domain)
Contributors
By (author): Robert Brasillach

Specifications

Pages
167
Binding Type
Hardcover Case Wrap
Interior Color
Black & White
Dimensions
US Trade (6 x 9 in / 152 x 229 mm)

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