Une enfance en creux

Il y a des étiquettes qui vous collent au corps et à l'âme comme une malédiction. Enfant de la DDASS, 412 745 AB 65. Un numéro tatoué sur un dossier dans lequel la convergence des institutions en charge de l'enfance la réduit à des lois, à des règles administratives et à des sanctions. Bref à la gestion d'un « cassos » qu'il faut normaliser. Denis Samain, devenu pâtissier, puis pompier de Paris, est l'un d'eux. Une enfance en creux nous raconte, sous la plume de Clothilde de Ravignan, comment Denis, placé de sa naissance à sa majorité, a vécu cet effacement de sa personnalité, comment ses émotions, entre incompréhension, colère et rébellion, furent niées par la machine administrative. Ses parents biologiques, Nicole et René ? Des handicapés mentaux. Une tare indélébile, selon l'assistante sociale qui le suit : « il est idiot, ses parents le sont aussi, ça ne les a pas empêchés d’avoir un môme ». Surtout ne pas créer de liens affectifs entre l'enfant et Alice et Jean-Paul Balheil, ses parents d'accueil, eux-mêmes parents de deux enfants, Grégoire et Chloé. Pas de maman, pas de papa, réservés aux seuls parents biologiques. Les parents d'accueil, eux, sont payés pour lui assurer le gîte, le couvert et le transport. Pas plus. Pas d'initiative intempestive. Les problèmes de santé physique et comportementale liés à la souffrance affective invisibilisée, l'orientation scolaire et professionnelle, les vacances ? Pas touche ! Domaine exclusivement réservé à l'Aide sociale à l'enfance. Toutes les infractions au règlement sont notées, discutées avec la menace constante que le bail de location consenti à la famille d'accueil, lui soit retiré du jour au lendemain, sans sommation, comme c'est arrivé à la combattive Alice et à Jean-Paul Balheil.